Petite virée au musée [PV Romuald LeFay]

Il y a des plaies qui cicatrisent d'un simple baiser, des blessures de vie qui cautérisent avec l'amour d'une mère, l'étreinte d'un ami, les mots doux d'un confident. Et pour toutes ces ecchymoses d'amours violacées, ces balafres de peur indéfectibles, ces lésions du cœur en apparence invisibles, il y a le temps. Mais comme le temps prend le sien, et qu'il faut bien l'occuper, l'homme a, depuis maintes générations, trouvé des parades à sa douleur. Et c'est ainsi qu'est né le shopping et le tourisme ! Et Romuald avait véritablement besoin de se changer les idées. Auradon lui allait bien au teint, certes, mais les cernes un peu moins. Il passait de mauvaises nuits à ruminer sur les chances qui s’offraient désormais, à l’avenir qu’il pouvait peut-être enfin décider de lui-même. Sans suivre ce qu’on lui dictait depuis toujours en tant qu’hériter fée. Il était perpétuellement anxieux du lendemain. Et si ses parents entendaient parler de ses projets ? Et si le reste des élèves se moquait de lui ? Et si Auradon venait tout simplement définitivement réduire ses rêves à néant ?

Il était agité tel un tas de braises ardentes. Il lui fallait de l'air frais au jeune fée. Une balade en forêt lui aurait permis de se ressourcer, mais quand il avait été trouvé sa petite sœur pour lui proposer une balade pour se dégourdir les ailes, Ronce avait été obligé de décliné l’invitation. Elle avait un cours de combat et même si elle aurait aimé venir avec lui, ce n’était que partie remise. Et il était hors de question que Romuald mette les pieds seul dans une forêt inconnue. Qui sait sur quoi il pouvait tomber ?! Certaines forêts étaient le royaume de vieux cafard moisi après tout… Et il était encore beaucoup trop gêné de l’incident avec Jewell pour proposer à son colocataire de sortir. Il lui fallait pourtant réussir à arrêter de trop penser, et se concentrer sur autre chose, lâcher du lest et continuer à tracer son bout de chemin, un sourire faussement soulagé sur les lèvres.

C'était sans doute la raison de sa venue dans le quartier commercial de la capitale. Il avait flâné, dans quelques boutiques, hypnotisé par les rayons de gel coiffant et produit de beauté, s’était émerveillé devant les dernières tenues à la mode et avait même comble du bonheur, trouvé une confiserie regorgeant de sucreries. Il avait d’ailleurs acheté pas moins de cinq sachets de divers bonbons et guimauve à la fraise, qu’il avait attaqué sans attendre. Il se fondait ainsi dans la foule des habitants d’Auradon City, rien ne trahissant en réalité son appartenance à l’ile dans son apparence. Ses parents lui avaient après tout enseigné a toujours parfaitement présenter en toutes circonstances. Il avait continué de visiter les rues de la ville, regardant avec curiosité les enseignes, le nez en l’air, jusqu’à ce que ses pas le mène au Musée d’Histoire Culturelle. Il avait observé le bâtiment, curieux, attrapant un dépliant de l’entrée avant de se décider à visiter l’intérieur. Après tout pourquoi pas ? Il avait observé les reliques sous verre, admirant un instant les couronnes royales. Il n’avait toutefois pas continué la visite beaucoup plus loin, quand tout en feuilletant le guide qu’il avait pris, il découvrit que la baguette de la bonne fée se trouvait dans une des salles du musée. Salle dans laquelle il avait foncé directement, les ailes frétillantes, se retenant de courir pour voir la si célèbre baguette. Cette baguette qui représentait à elle seule son plus grand rêve et sa plus grande peur. Il connaissait l’histoire de Cendrillon, il connaissait les exploits de la bonne fée, une vraie héroïne ! Et il rêvait un jour de pouvoir prétendre au rôle de fée marraine à son tour. Romuald il avait des rêves pleins la tête rien qu’en regardant l’objet flotter. Depuis combien de temps était-il piqué là ? Il ne saurait le dire exactement, tant l’endroit était calme et silencieux. Comme si le temps était figé. Pourtant il ne resta pas seule, une silhouette vague dans son champ de vision lui faisant relever la tête de ses observations et lecture.

-Oh, euh... Pardon, je suis désolée, je ne voulais pas te déranger. Je vais aller voir un peu plus loin, ne fais pas attention à moi.

-Oh il n’y a pas de mal. Il y a de la place tu ne me déranges pas ne t’en fais pas.

Après tout, ils n’étaient que deux pauvres curieux dans cette sale. Il avait juste eu le temps d’ouvrir la bouche pour signifier qu’elle ne le dérangeait que déjà la jeune fille reculait, le laissant un brin interloqué. Puis l’illumination se fit ? Cette fille il la connaissait ! Enfin non pas réellement mais, on lui avait parlé d’elle. Jane. La fille de la bonne fée. Il sait que c'est elle. Il le sait. Il l'a reconnu. Et il avait même à vrai dire était curieux de savoir à quoi elle ressemblait dès son arrivée. Mais jamais il n’avait osé aller se présenter à cette branche éloigné de sa famille. Parce que lui et sa sœur ils étaient certainement un peu les moutons noirs, les traitres au sein des rangs des fées. Ronce avait eu la chance elle de pouvoir approcher Jane contrairement à lui, mais voilà qu’aujourd’hui la chance de faire connaissance se présentait. Il devait paraitre fou, mais, il était tellement plein d’envie et de curiosité. Il avait donc tenté de la suivre, discrètement d’abord. Oh bon sang. Qu'est-ce qu’il va lui dire ? Il lui faut une guimauve ! Non, Romuald, réfléchis ! Allez. Il peut le faire. Il faut qu’il aille lui parler. Elle est seule, en plus. Il pourrait même le kidnapper ! … Bon, peut-être pas. Il faut qu’il respire. Un, deux. Pfiou. Il peut le faire. Ni une, ni deux, il fait un pas... Et s'arrête. Non, il ne sait même pas quoi lui dire. Il va encore se rendre ridicule ! Il faut qu’il trouve une phrase bien tournée, dans le style « Bonjour, je suis un grand fan du travail de ta mère et j’aimerais bien discuter avec toi et apprendre à te connaitre… parce que… parce que bah on est cousin ? » Oui non… à éviter en fait. .. Stop. Allez, il met cet air confiant sur son visage - celui qu’il prends quand Ronce lui demande si il sait mieux coudre que manier une épée (« Mais bien sûr que non il n’a jamais essayé la couture, c’est un mensonge ! ») et s'avance vers elle.

-Je... Heu. Bonjour.

C'est un bon début ça déjà… "bonjour". C'est poli, ça. C'est bien Romuald !

-Je suis désolé de te déranger mais... Tu es bien Jane ?

En même temps elle pourra lui dire ce qu'elle veut, il sait que c'est elle. Il a des moments de stupidité mais il sait reconnaître une personne qu’il envie au fond quand il la voit !

-Tu es venue voir la baguette toi aussi ?

C’était l’occasion pour Romuald de tenter sa chance. Une chance inespérée d’ailleurs. Le musée était presque vide de visiteurs et surtout il parvenait à enfin croiser Jane ! Maintenant le but serait de ne pas lui faire peur ou détaler en courant à cause d’une de ses fameuses maladresses monumentales et honteuses. Du genre calmer ce regard d’admirateur fou et calmer les frétillements de ses anarchiques de ses ailes. Ca serait le comble qu’avec tout ça il fasse tomber quelque chose du musée… Il faut qu’il respire, qu’il garde son calme et surtout… surtout qu’il ne se jette pas sur le sachet de guimauve qu’il tient encore en main pour l’engloutir tout rond. Il doit faire une première bonne impression comme ses parents lui ont appris. Il y a des jours il aimerait être un peu plus comme son père quand même. Héroïque, courageux, charmant… et non maladroit, terrifié et ridicule. La vie était injuste. Ca il l’avait bien appris. Mais visiblement c’est un trait de famille qu’il partage avec Jane qui semble tout aussi à l’aise que lui et qui semble avoir autant de peine que lui à sortir une phrase cohérente. Ce qui le fait sourire un peu et le rassure au fond. Oh il comprend tellement ce qu’elle doit vivre. Il est encore traumatisé de l’irruption de son nouveau camarade de chambre. Il n’est même pas sûr de s’en remettre un jour à vrai dire. Il hoche donc la tête, offrant un sourire qu’il espère chaleureux et rassurant à la fille de la bonne fée.

-Je… Je suis Romuald. Romuald LeFay. Je …désolé. Je sais qu’on ne se connait pas trop… enfin… euh… ma sœur partage ta chambre… je crois… Ronce, ça te dit quelque chose ?

Il n’a même pas l’air convaincu. S’en est affligeant. Mais les choses pourraient être pire sans doute. Après tout il n’est pas tombé dans les pommes et ne s’est pas encore tourné en ridicule devant Jane. Tout va bien. Il faut qu’il continu sur cette lancée. Il a fait le plus difficile après tout, lui adresser la parole et se présenter. Le problème c’est qu’il est tellement étonné qu’elle n’ait pas fuit et que tout se passe bien qu’il ne sait même pas sur quoi enchainer ! Il ne peut pas d’entrer de jeu venir lui dire qu’il est admiratif du travail fait par sa mère et qu’il rêve de devenir marraine bonne fée depuis qu’il a … trois ans ? Il faut qu’il soit plus subtil, lancer la conversation avec délicatesse et courtoisie comme dirait ses parents. Et ne pas se conduire comme les vieux cafards moisis qui volent les princesses et les armées. La baguette tiens. Oui la baguette et le musée sont un bon sujet pour ne pas qu’elle s’enfuie immédiatement.

-Ah oui forcément… tu es la fille de la bonne fée donc tu as déjà dû la voir souvent ou t’en servir ?

Il ne sait pas exactement tout de la branche éloignée de sa famille mais, après tout c’est logique qu’elle sache se servir de la baguette ou qu’elle l’ait déjà eu en main. Ils n’ont pas vraiment ce genre d’informations sur l’île. Ils ont juste tous entendu parler de la tentative de Maléfique pour s’en emparer. Il se sent bête de sa question finalement et ne résiste pas au besoin de gober une guimauve pour garder son sang-froid. Il fait bien d’ailleurs, puisque Jane lui retourne la question de sa présence ici, hochant la tête doucement, sa gestuelle sans doute bien plus limpide que ses paroles.

-Non … je suis un peu arrivé par hasard. Enfin… si je suis venue voir les objets exposé, parce que j’étais curieux. Et puis je… je voulais voir la baguette justement. C’est la première fois que j’en vois une vraie tu sais !

Ses ailes s’agitent un peu malgré lui, victime de son enthousiasme pour tout ce qui concerne la magie féerique et surtout le rôle de fée marraine. Il est encore un peu mal à l’aise mais le fait de de ne pas avoir tout fait capoter en cinq minutes le rassure un peu et le remet en confiance. Et puis Jane a vraiment l’air gentille, comme sa sœur le lui a dit. Alors tout naturellement il vient tendre son sachet de guimauve sous le nez de sa camarade.

-Je… Ca te dis une guimauve ?